Notre blogueur invité, Dean Giustini, M. Bibl., M. Ed., est bibliothécaire de l’annexe de la bibliothèque biomédicale de l’Université de Colombie-Britannique à l’Hôpital général de Vancouver, une bibliothèque associée à l’un des plus importants programmes de médecine du Canada. Il enseigne la bibliothéconomie de la santé et les médias sociaux à l’École de bibliothéconomie, d’archivistique et des sciences de l’information. Il tient un blogue, le Search Principle blog.
Introduction
Le Rapport de progrès 2011 : Renouvellement des soins de santé au Canada, du Conseil canadien de la santé, est un examen d’ensemble du système canadien des soins de santé aux échelons fédéral, provincial et territorial dans cinq secteurs :
1. Temps d’attente pour interventions chirurgicales et (certains) services médicaux
2. Services téléphoniques de conseils de santé
3. Dossiers de santé électroniques
4. Coûts et couverture des produits pharmaceutiques
5. Innovation en santé — les moyens novateurs mis en place pour relever des défis persistants — qui contribueront à la viabilité du système de santé publique au Canada
Récemment, le Conseil de la santé a fait rapport des progrès du Canada en matière de temps d’attente, de soins primaires, de dossiers de santé électroniques, de couverture des médicaments et de coûts des médicaments génériques, et il a exprimé un certain optimisme à l’égard de notre « capacité [collective] de recueillir, interpréter et utiliser les données sur la santé pour améliorer la prestation des services et la sécurité des patients ». Toutes ces questions intéressent les Canadiens. Mais en ma capacité de bibliothécaire médical dans l’un des plus grands hôpitaux de soins tertiaires du Canada, j’aimerais me concentrer sur l’importance des dossiers de santé électroniques (DSE) pour l’avenir de notre système de soins de santé ainsi que sur l’importance d’associer aux DES une information médicale fondée sur des données scientifiques.
Les données scientifiques sont essentielles aux soins de santé
Comme bibliothécaire médical de l’UBC, je vois directement les effets réels sur les soins aux patients d’une information médicale fondée sur les preuves. En première ligne de la médecine hospitalière, les dossiers de santé électroniques (DSE) sont simplement un élément permettant d’améliorer notre capacité de recueillir, d’analyser et d’utiliser l’information à l’ère numérique. Sur un plan purement pratique, l’accès en ligne des dossiers est une question d’efficacité dans le suivi des patients lors de leurs déplacements entre les services diagnostiques, les services pharmaceutiques et les soins primaires.
Les bibliothécaires de la santé doivent faire partie de tout système intégré de dossiers de santé. Car, si offrir l’accès en ligne aux dossiers des patients est important, un système de DSE est également indispensable au Canada à une pratique médicale fondée sur les données. Le Conseil de la santé et l’Inforoute Santé Canada devraient réfléchir à ce que l’expertise des bibliothécaires médicaux peut faire pour assurer qu’ici les meilleures données médicales sont directement intégrées dans les DSE. Il ne faut pas s’étonner que ce soit l’un des objectifs de la Canadian Virtual Health Library / Bibliothèque virtuelle canadienne de la santé. Tous les membres de l’équipe des soins de santé (oui, y compris les bibliothécaires) doivent collaborer pour assurer la communication de l’information et des connaissances spécialisées.
Dépenses en soins de santé au Canada
Selon le Conseil de la santé, les dépenses en soins de santé ont atteint un sommet de 192 milliards de dollars en 2010. Les coûts des soins de santé correspondent maintenant à 11,9 % de notre produit intérieur brut (PIB). Curieusement, alors que les coûts augmentent, un problème dont j’entends souvent parler à l’Hôpital général de Vancouver, c’est que les ressources hospitalières ne sont pas toujours affectées là où l’on en a le plus besoin. Ceci découle partiellement d’un manque d’intégration des données des patients. Il y a 10 ans, la commission Kirby avait indiqué qu’il était impossible d’effectuer une analyse coût-avantage, puisque la plupart des institutions n’avaient pas la capacité de recueillir, d’enregistrer et de gérer les données de santé. Cela a conduit à la création de l’Inforoute Santé Canada qui, depuis 2001, a fait des progrès considérables dans la diminution des effets indésirables, la réduction des coûts et l’amélioration du suivi des médicaments. Mais une intégration plus globale des DES permettrait des économies encore plus substantielles.
Résultats de santé et efficacité
Notre incapacité à mesurer l’efficacité (ou l’inefficacité) des soins de santé au Canada est un problème. La collaboration entre les partenaires provinciaux et territoriaux dans le cadre du contrôle des activités et du suivi des résultats de santé n’est pas suffisamment développée. Selon un sondage effectué en 2010 par l’Association médicale canadienne, 80 % des Canadiens s’inquiètent de la surcharge que nos problèmes occasionnent au système. Cependant, même s’il ne s’agit pas d’une panacée, les DES offrent aux médecins et aux infirmières de nouvelles façons de superviser et de gérer les ressources disponibles. Sans un suivi adéquat des services reçus dans les cabinets de médecins et les hôpitaux, nous ne pouvons pas essayer de résoudre d’une manière satisfaisante les iniquités et les inefficacités. Automatiser les dossiers des patients et les nombreuses sources de données médicales, c’est ouvrir une porte indispensable sur l’avenir.
Dépenses pharmaceutiques
Au Canada, le secteur de la santé où l’augmentation des coûts est la plus rapide est celui des médicaments. L’Institut canadien d’information sur la santé communique qu’au Canada, entre 1985 et 2005, la part des médicaments dans l’ensemble des dépenses de santé est passée de 9,5 % à 16,5 %. En fait, la facture des produits pharmaceutiques s’établit maintenant à 30 milliards de dollars par an; les Canadiens paient 40 % de plus pour leurs médicaments que les citoyens de n’importe quel autre pays du G8. Si nous adoptions un système national d’assurance-médicaments, nous économiserions annuellement 10 milliards de dollars. Ceci permettrait d’améliorer le suivi des médicaments, la couverture d’assurance et les coûts associés aux soins des patients. De plus, on pourrait surveiller plus étroitement l’évolution des médicaments et éviter les ordonnances inutiles. Durant les cinq dernières années, plus de 900 nouveaux médicaments ont été approuvés au Canada et très peu d’entre eux font l’objet d’une surveillance systématique. En fin de compte, les Canadiens consomment de plus en plus de médicaments et il n’existe aucune preuve que leur santé s’est améliorée.
Déterminants sociaux de la santé
Dans son Rapport de progrès 2011, le Conseil de la santé attire l’attention sur certains problèmes touchant les pauvres et les personnes socialement défavorisées. Dans une perspective d’avenir, nous devrons nous attaquer aux facteurs socioéconomiques si nous voulons améliorer la santé de tous les Canadiens. Ceci est particulièrement vital dans le cas des Canadiens vivant au seuil de la pauvreté ou en deçà. La recherche montre que les déterminants sociaux comme l’emploi, le milieu de vie et de travail et les relations sociales ont un effet important sur la santé et le mieux-être. Malheureusement, les Canadiens ayant un faible revenu ont un risque plus élevé de souffrir d’affections chroniques comme l’arthrite, le diabète et les maladies du cœur, ou de présenter des invalidités ou des problèmes de santé mentale. Assez naturellement, les Canadiens qui ont un faible revenu sont deux fois plus portés à utiliser les services de santé que ceux dont le revenu est plus élevé.
Au Canada, la promotion de la santé est une responsabilité collective et ce devrait être l’élément fondamental qui nous permettrait d’avancer. Les gouvernements doivent adopter de meilleures stratégies de réduction de la pauvreté et privilégier les programmes conçus pour aider les pauvres, les sous-employés et les défavorisés. Avec les prestateurs de la santé, il faudrait que les Canadiens aient aussi accès à une information fondée sur des données probantes, la plus fiable qui soit – dans mon optique de bibliothécaire médical, je considère cela comme un point absolument essentiel de notre prise en charge de l’avenir de notre système de soins de santé (et de notre mieux-être).
Références
Institut canadien d’information sur la santé. Dépenses en médicaments au Canada, de 1985 à 2009. Ottawa, 2009. http://secure.cihi.ca/cihiweb/products/dex_1985_to_2009_f.pdf
Association médicale canadienne (AMC). La transformation des soins de santé au Canada : Des changements réels. Des soins durables
Association médicale canadienne (AMC). National Health Goals for Canada: A Review of Successes, Challenges and Opportunities for the Canadian Medical Association. Ottawa, 2010.
Finances Québec. Vers un système de santé plus performant et mieux financé
Mendelson Rachel. The Worst Run Industry in Canada: Health Care. Canadian Business. 8 avril 2011. http://www.canadianbusiness.com/article/11248--the-worst-run-industry-in-canada-health-care
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