DÉJEUNER AVEC LES CHEFS
VENDREDI 18 OCTOBRE 2013
Présentations et mot de bienvenue du modérateur, Anton Hart, président de HealthcareBoard et éditeur de Longwoods Publishing. M. Hart remercie les parrains de l’événement, le Conseil canadien de la santé et Accenture, avant de présenter les chefs du jour :
Trudy Lieberman, ancienne présidente de l’Association of Health Care Journalists des États-Unis, s’occupe actuellement de la section santé de la Columbia Journalism Review. Mme Lieberman visite quatre villes canadiennes en qualité de titulaire d'une bourse d'études Fulbright et d’invitée de l’Evidence Network of Canadian Health Policy, connu sous le nom d’EvidenceNetwork.ca.
André Picard est reporteur et chroniqueur en matière de santé au Globe and Mail, et lance un nouvel ouvrage le 30 octobre, par l’entremise du Conference Board of Canada.
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TRUDY LIEBERMAN commence par répondre à ce qui est, à son avis, la principale question qui intéresse les participants, à savoir « en quoi consiste l’Obamacare? ». Elle donne ensuite un aperçu de l’Obamacare, tout en mentionnant qu’André Picard abordera les domaines de convergence entre les systèmes de santé des deux pays.
Qu’est-ce que l’Affordable Care Act? Tout d’abord, indique Mme Lieberman, cette loi ne procure pas une assurance maladie à tous les Américains. Elle vise le marché individuel, là où se rendent les gens pour recevoir des soins de santé lorsqu’ils n’ont pas d’assurance. Encore là, les assureurs de ce marché ne couvrent souvent pas certaines affections préexistantes, comme l’asthme. Grâce à l’Obamacare, les personnes touchées auront moins de mal à magasiner dans ce marché.
Mme Lieberman écrit depuis 20 ans sur les soins de santé aux États-Unis et sait que les Américains ont du mal à naviguer dans ce système.
Quelque 25 millions de personnes, aux États-Unis, souscrivent une assurance sur le marché individuel; ce sont ces personnes qu’Obamacare veut aider. Certaines personnes ont déjà souscrit une assurance maladie dans le passé, tandis que d’autres le font pour la première fois. Afin de persuader les gens d’adopter ce système, le gouvernement offre des subventions. Pourtant, 40 % du marché individuel ne remplissent pas les conditions requises pour l’octroi d’une subvention, sans compter les sanctions qui sont imposées pour la non-souscription d’une assurance, et ce, même si le coût d’une bonne police pourrait s’élever à plus de 16 000 dollars.
La population s’inquiète et ne sait pas si les subventions suffiront à se procurer une police d’assurance maladie convenable ou si elles perdureront. Les Américains de la classe moyenne sont plus particulièrement touchés.
La loi sur la réforme exigeait un élargissement de Medicaid, le programme fédéral-État destiné aux pauvres, mais 27 États ont décidé de ne pas procéder à cet élargissement et de laisser les personnes dont les revenus sont sous le seuil de pauvreté devant une absence d’option. Ces personnes, privées de la possibilité d’acquisition dans les groupes d’échange, sont trop pauvres pour souscrire une assurance par leurs propres moyens.
À son avis, le talon d’Achille de l’Obamacare est le manque d’élargissement de Medicaid.
La confusion qui entoure l’Obamacare réside également dans le fait que la presse et les médias n’ont pas toujours bien expliqué la question au public américain.
AUTRES POINTS IMPORTANTS
L’Obamacare ne crée pas d’équité. Les groupes d’échange proposent quatre types de régimes. La plupart des Américains devraient opter pour le régime bronze, qui couvre 60 % des coûts. Le régime argent couvre 70 % des coûts, le régime or, 80 %, et le régime platine, 90 %. De nombreux États ne seront toutefois pas en mesure d’offrir le régime platine, trop coûteux pour la plupart des acheteurs potentiels.
Les dépenses assumées par les individus sont élevées. Les franchises seront de l’ordre de 4 000 dollars à 6 000 dollars pour une police familiale, mais pourraient atteindre des sommes aussi élevées que 10 000 dollars à 20 000 dollars. La coassurance correspond au pourcentage de l’assurance qu’un patient doit assumer, comme pour l’imagerie diagnostique, non couverte par les régimes.
Plusieurs réductions de coûts ont été réalisées, notamment pour transférer les services offerts en milieu hospitalier à des établissements de consultations externes. Les assureurs demandent aux personnes de payer une grande part du coût partagé pour les services les plus utilisés. Ce point n’est pas encore bien compris par la population américaine.
L’Obamacare ne comporte pas de clause de limitation des coûts.
Mme Lieberman ne sait pas si l’Obamacare fonctionnera et pense qu’il faudra au moins deux ou troiscycles d’assurance pour savoir ce que les assurances feront des primes et si les gens souscriront et auront vraiment une assurance.
Malgré l’objectif d’offrir des soins de santé abordables, elle prévoit que les Américains ne les obtiendront pas.
L’administration et les médias auraient pu faire mieux pour promouvoir la nouvelle loi, selon Mme Lieberman. Leurs manques ont provoqué une sorte de mouvement de rejet de l’Obamacare. Toutefois, on n’a pas parlé de façon soutenue de ce que cette loi pouvait faire et fera. L’obligation de souscrire l’assurance maladie n’a jamais été clairement énoncée, ce qui était sans doute un acte délibéré de la part de l’administration en vue d’éviter les réactions défavorables. Ironiquement, les Républicains ont été les premiers à présenter ce type de régime, dans les années 1990, pour contrer les plans de l’administration Clinton.
Mme Lieberman estime que la presse aurait pu mieux exposer la situation au public pour que les choses soient plus claires, parce que la plupart des Américains sont plutôt embrouillés.
ANDRÉ PICARD remercie Trudy et indique que son exposé lui en apprend toujours plus.
Son propos est axé sur les problèmes communs auxquels sont confrontés le Canada et les États-Unis.
Il précise que, de bien des manières, nous faisons les choses de la même manière des deux côtés de la frontière, exception faite des débats, ce qui nous devrait nous tenir à l’écart de l’outrecuidance. Le Canada n’a pas de « loi sur les soins abordables ». Selon M. Picard, il existe de grandes disparités entre les provinces, mais nous évitons d’en parler.
Nous sommes en outre confrontés à un grand nombre de problèmes financiers similaires à ceux de nos voisins, mais là encore, pas un mot sur le sujet. Les soins de santé, au Canada, couvrent seulement 70 % des coûts. Les Canadiens assument environ 30 % des frais médicaux, parce que plus d’éléments, comme les médicaments, ne sont pas couverts.
PROBLÈMES COMMUNS
1) TRANSFERT DES SOINS À LA COLLECTIVITÉ. Les modèles hospitaliers doivent se transformer en modèles communautaires. Aucun régime ou organisme ne satisfait aux demandes et aux besoins de soins à domicile et de soins infirmiers à domicile.
2) SOINS PRIMAIRES. Il faut de meilleurs services de soins primaires. Un point de coordination central pour les soins de santé doit être fixé – du genre qui procure un soutien tout au long du parcours du patient. Nous savons que les événements fâcheux se produisent au cours de la transition en raison du manque de coordination, insiste M. Picard. Alors, qui se chargera de nous coordonner et de nous guider sur le chemin complexe des soins?
3) Nécessité de passer d’un MODÈLE DE SOINS AIGUS à un MODÈLE DE SOINS CHRONIQUES.
4) MÉDICAMENTS : Les coûts élevés créent un énorme vide dans le système canadien. Les régimes publics couvrent à peine 45 % des médicaments. Les régimes privés resserrent également les cordons de leurs bourses. Ainsi, près de 600 000 Canadiens ne bénéficient d’aucune couverture des médicaments onéreux, ce qui constitue un trou béant dans le régime d’assurance-maladie.
5) DÉTERMINANTS SOCIAUX : L’inégalité a des effets massifs sur le bien-être des gens.
6) QUALITÉ : Ce point est gigantesque. Des erreurs médicales ou des manifestations indésirables qui découlent d’un manque de qualité font partie des principales causes de décès évitables. La population veut des soins de santé abordables, mais pas au mépris de la qualité.
7) RATIONNEMENT : Les États-Unis rationnent les soins sur le plan économique. Vous n’obtiendrez pas de soins que vous n’êtes pas en mesure de payer. Au Canada, les services sont congestionnés, ce qui crée des listes d’attente pour certains types de soins. Le rationnement est une réalité, il suffit de trouver la meilleure façon de l’appliquer.
8) LES PATIENTS QUI UTILISENT LES SOINS DE SANTÉ À OUTRANCE : Au Canada, 1 % des patients utilisent 25 % des soins, alors qu’une autre proportion de 5 % en consomme 50 %. Il est possible de contrôler les coûts par une meilleure gestion des patients qui présentent des cas difficiles. Nous devons nous montrer plus novateurs et plus ingénieux, souligne M. Picard. Un homme, par exemple, présentait toutes sortes de problèmes de santé pour lesquels il a visité les services des urgences à 238 reprises en un an, pour un coût estimatif de 1,5 million de dollars au système. On a décidé de lui affecter une infirmière à temps plein, pour un coût de 60 000 dollars par année. Cette infirmière a même trouvé un appartement pour l’homme en question. Elle est une sorte de phare. L’année suivante, cet homme n’a rendu que 60 visites aux services des urgences. Cette solution pragmatique a permis d’économiser près de un million de dollars.
9) PUBLIC PAR OPPOSITION À PRIVÉ : Le Canada possède les deux systèmes, que nous le sachions ou nonLes États-Unis les possèdent aussi. Nous devons parler de la bonne proportion de soins de santé publics et privés. À l’heure actuelle, elle est d’environ 70-30.
Les deux pays doivent avoir de vraies conversations sur les soins de santé. Mais quelle est la bonne tribune pour tenir ce genre de discussion où règne trop d’extrémisme? Alors, comment avoir cette discussion on ne peut plus nécessaire? demande M. Picard.
TRUDY LIEBERMAN : Les soins de longue durée constituent un problème de taille aux États-Unis. Il est intéressant de voir ce que le pays a fait concernant cette question. L’Affordable Care Act comprenait une Class Act, défendue par feu le sénateur Ted Kennedy. Elle n’était pas très populaire, au début. L’idée sous-jacente consistait à investir un peu dans le système fédéral, puis à puiser dans ce même système plus tard dans la vie. Mais la disposition a été abrogée parce qu’elle n’aurait pas fonctionné : personne n’aurait cotisé à un programme volontaire.
Depuis l’abrogation de la Class Act, on n’a pratiquement plus parlé des soins à domicile aux États-Unis.
Nous avons toutefois une chose qui a relativement bien fonctionné, l’Older Americans Act, et qui remonte à l’administration Johnson. Cette loi fournit des services pour que les personnes âgées restent à la maison. Elle n’a malheureusement pas reçu suffisamment de fonds pour au cours des dernières décennies, ce qui a entraîné la création de longues listes d’attente pour des services de soins à domicile dans presque tous les États. Certaines personnes attendent des mois juste pour bénéficier des services de repas chauds de la popote roulante. LE PERSONNEL FAIT DE SON MIEUX MAIS, BIEN SOUVENT, LE MEILLEUR NE SUFFIT PAS, a dit quelqu’un.
QUESTIONS/COMMENTAIRES de l’auditoire
1) DR CHARLES WRIGHT, membre du conseil, Conseil canadien de la santé : Ces propos m’ont beaucoup éclairé. Vous avez utilisé le mot « rationnement », qui fait grincer des dents. Si on pouvait récupérer une partie des soins inutiles, il faudrait instaurer un genre de rationnement, mais au moins, le système serait plus viable.
ANDRÉ PICARD : Entre 25 et 30 % des soins de santé sont fournis en excès. Nous devons rationner les soins là où cette mesure fonctionne et est efficace. Des soins rationnés, fondés sur des données probantes.
TRUDY LIEBERMAN : Nous tenons ces propos depuis bien des années, mais aucun geste n’est posé en ce sens. Certains puissants intéressés aiment faire des analyses additionnelles, et il est difficile de négocier avec ces forces.
2) SHOLOM GLOUBERMAN, président, Patients Canada : Nous ne disposons pas de services de santé dans la collectivité. Nous n’établissons pas de partenariat avec les patients en soins chroniques. Nous avons une profusion de soins hospitaliers et très peu de services communautaires – au Canada, nous investissons une fraction de ce que dépense la Grande-Bretagne en services communautaires. Les assurances ne les couvrent pas, mais le font pour les hospitalisations, par exemple. Notre population vieillit, et les maladies chroniques font petit à petit partie du quotidien. Nous ne traitons pas cette question adéquatement. Les patients ne sont pas des partenaires dans le cadre de leurs soins. Nous devons commencer à mettre sur pied des services communautaires, parce qu’ils ne sont pas couverts par les assurances.
ANDRÉ PICARD : Il y a indéniablement là des problèmes d’administration. La création de l’assurance maladie remonte aux années 1950 et correspondait à la démographie de l’époque. Cette variable a changé, tout comme les besoins. Mais le système ne s’est pas ajusté pour tenir compte des changements démographiques.
3) QUESTION : Qui doit déterminer la frontière entre la nécessité et la futilité des soins? Qu’est-ce qui découlera de la prochaine décision de la Cour suprême du Canada?
ANDRÉ PICARD : Le fait que les tribunaux tranchent la question est déplorable, comme l’est le manque de courage politique, dans ce pays, pour traiter de cette affaire. À mon avis, la question au sens plus large est « qu’est-ce qui relève de l’assurance maladie et qu’est-ce qui n’en relève pas? ». Problème épineux. Comment rationner des services publics? Au Canada, nous le faisons en esquivant la discussion. Nous sommes passés à un système populiste, comme aux États-Unis.
4) JOHN G. ABBOTT, chef de la direction, Conseil canadien de la santé : Comment l’Obamacare se raccorde-t-il au déficit américain, et quelles sont les comparaisons avec le Canada?
TRUDY LIEBERMAN : L’Obamacare ne casse pas la tirelire, en lui-même. En définitive, les opposants à l’Obamacare veulent traiter de l’admissibilité à l’assurance maladie et de sa privatisation – comme pour l’assurance-médicaments. La population est d’accord avec le fait que les citoyens mieux nantis paient davantage pour les soins de santé, mais quelle est la définition de « bien nanti »? Ce point préoccupe ceux qui soutiennent l’assurance maladie, et il s’agit d’un énorme problème. L’autre point renferme le droit aux prestations et la sécurité sociale. Beaucoup veulent la privatiser. Mais le coût d’une formule évolutive risque de changer afin de réduire le montant des dépenses pour le gouvernement, ce qui nuira aux foyers à faible revenu, surtout les femmes. Les subventions à long terme prévues par l’Obamacare entreront ensuite en jeu. Elles sont financées pour une période de 10 ans, mais nous ne savons pas si elles seront assurées à long terme. En somme, elles connaîtraient le même sort que l’assurance maladie, quel qu’il soit.
5) COMMENTAIRE SUR LES COÛTS HOSPITALIERS
TRUDY LIEBERMAN : Rien, dans l’Affordable Care Act, n’exige que les prix ou les services soient négociés. Les hôpitaux affichent des prix « de détail », habituellement assez élevés. Mais ils sont très différents d’un hôpital à l’autre, même au sein d’une même collectivité. Cependant, ces prix sont en grande partie fictifs. [quelqu’un de l’auditoire : « Ils sont destinés aux Canadiens qui viennent se faire soigner » – rires]. En pratique, les hôpitaux négocient avec les assureurs et s’entendent sur beaucoup moins que les coûts affichés. De nombreux réseaux hospitaliers prennent de l’expansion et deviennent des conglomérats qui entrent en concurrence les uns avec les autres. Ils mettent en valeur le fait qu’ils disposent du meilleur équipement ou des meilleurs soins cardiaques, mais ne parlent pas du prix. On craint réellement que ces conglomérats détiennent un jour suffisamment de pouvoir pour fixer les prix sans grande concurrence ou réaction de la part du gouvernement.
ANDRÉ PICARD : Les Canadiens ignorent les coûts réels des soins de santé. Ils sont excessifs. Nous avons un système comparable à celui des États-Unis.
TRUDY LIEBERMAN : L’article de Brill sur les soins de santé, paru dans Time Magazine, était vraiment bien écrit.
Il faut plus de transparence.
Fin du déjeuner avec les chefs.
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28 octobre 2013
L’avenir des soins de santé en Amérique du Nord : existe-t-il une convergence États-Unis-Canada dans la donne?
28 mai 2013
Une nouvelle ère en matière de santé des Premières Nations en Colombie-Britannique
Trevor Kehoe est chargé de communications de l’autorité sanitaire des Premières Nations du territoire de la côte Salish, à West Vancouver.
Les Premières Nations de la Colombie-Britannique
marqueront l’histoire en amorçant une démarche de transformation visant à
changer la façon dont les soins de santé sont offerts à leurs enfants, à leurs
familles et à leurs communautés. Le Plan tripartite pour la santé des Premières
Nations en Colombie-Britannique en cours dans la province est une étude de cas
sur le pouvoir de plusieurs nations qui s’unissent et qui parlent d’une même
voix afin de trouver le chemin
vers de
meilleurs résultats de santé.
La région connue sous le nom de Colombie-Britannique
est celle où la diversité des Premières Nations est la plus grande de tout le
pays – on y trouve 203 communautés uniques. L’importance de la santé et du
bien-être est nettement ressortie et pourrait devenir le terrain commun à
partir duquel les Premières Nations de la Colombie-Britannique uniront leurs
efforts pour réaliser les changements nécessaires à la santé de leur
population. Cette coopération et la vision des chefs, des dirigeants, des
directeurs de la santé et des dirigeants du secteur ont été les éléments de
base qui ont permis d’amorcer l’actuelle démarche tripartite.
Des partenaires de soutien à Santé Canada, au
gouvernement de la Colombie-Britannique et dans nos cinq autorités régionales
de la santé et d’autres ont créé l’espace nécessaire à un important mécanisme
de collaboration pour évoluer et grandir avec les Premières Nations de la
Colombie-Britannique, positionnées comme partenaires
égaux le long de ce parcours commun.
Grâce à des mécanismes de participation tels que le
rassemblement annuel des forums
Gathering Wisdom for a Shared Journey,
les séances
des caucus régionaux dans les cinq grandes régions de la province, les plateformes
d’engagement communautaire,
des
communications et des rapports exhaustifs, à la table du First
Nations Health Council et d’autres mécanismes, on dispose de l’espace
nécessaire pour que la voix de chaque Première Nation soit entendue. Cet engagement
global et ces processus d’approbation, associés à notre principe de
responsabilité réciproque, constituent la pierre angulaire de ce processus de
transformation et de transferts du système de santé, au cours duquel les
communautés dirigent la discussion.
Une série d’ententes sans précédent entre les
partenaires du plan tripartite, dont le Transformative
Change Accord de 2005, le Transformative Change Accord:
First Nations Health Plan de 2006, le Tripartite
First Nations Health Plan de 2007 et le British
Columbia Tripartite Framework Agreement on First Nation Health Governance
de 2011 ont jeté les bases de la création de la nouvelle Structure
de gouvernance des Premières Nations en matière de santé de
l’autorité sanitaire des Premières Nations, du First Nations Health Council et
de la First Nations Health
Directors Association – une première au Canada.
Ces accords n’auraient jamais pu voir le jour sans une
démarche d’engagement approfondie, un parcours
pour l’engagement et les approbations, ni sans
le leadership et l’unité démontrés par les Premières Nations de la
Colombie-Britannique qui ont décidé officiellement d’aller de l’avant avec le
transfert historique des services de santé de la Direction générale de la santé
des Premières Nations et des Inuits de Santé Canada, région Pacifique, à une
autorité sanitaire des Premières Nations.
Les Sept
directives élaborées au cours de centaines de rencontres
communautaires provinciales, régionales et sous-régionales, de guides et de
documents d’orientation décrivent les normes fondamentales et la marche à
suivre pour une nouvelle relation de gouvernance en matière de santé.
La première de ces directives – menée par la
communauté, fondée sur la nation – capte l’essence de la nouvelle approche des
Premières Nations pour la gouvernance de la santé. Avec la voix unie de la
direction des Premières Nations de la Colombie-Britannique et grâce à une
participation concrète, à des partenariats volontaires et à une vision pour de
meilleurs résultats de santé, les communautés planifient la création d’un
système de santé novateur et plus efficace, qui concrétisera la vision de
familles, d’enfants et de communautés des Premières Nations de la
Colombie-Britannique qui seront dynamiques, en bonne santé et aptes à se
prendre en charge elles-mêmes.
Visitez-nous à www.fnha.ca
ou dans Facebook,
Twitter
ou YouTube.
27 mai 2013
Nous disposons de technologies de communication – utilisons-les!
Dre Wendy Graham est présidente-directrice générale de Mihealth Global Systems inc., www.mihealth.com, une société où elle travaille à améliorer la participation des patients dans le système de santé. Au cours de sa carrière, elle a écrit sur la réforme des politiques en santé ainsi que sur l’efficacité du système. Elle est considérée comme une médecin extrêmement influente sur les questions touchant la réforme de soins primaires et les modèles de soins en collaboration pour le Canada.
Le Rapport de progrès 2013 : renouvellement des soins de santé au Canada du Conseil canadien de la santé est un rapport impressionnant, qui capte bien l’essence de notre situation actuelle et de ce vers quoi nous devons aller. Il y a tout lieu de croire qu’il nous faudra procéder à un changement radical en matière de politique et de leadership pour apporter les améliorations nécessaires à la prestation de soins, sans pour autant devoir procéder à des investissements supplémentaires considérables.
Malgré l’engagement manifesté à plusieurs niveaux, l’accès aux soins de santé est assuré principalement à l’échelle locale et l’accès à un prestataire de soins primaires ou à une équipe de soins demeure variable et manque d’efficacité sur le plan économique.
Theodor Marmor, professeur en politiques publiques et en gestion à l’Université Yale, est d’avis que la réforme des soins de santé ne sera possible que lorsque les gouvernements feront face à de graves déficits sur le plan fiscal.
Nous devons tirer parti des réformes des technologies de l’information à faible coût qui gèrent des rendements élevés sur les investissements et qui permettent aux patients de participer pleinement à la gestion de leur propre santé. Le moment est venu de se rallier aux médecins qui, dans une proportion de 57 %, utilisent le dossier de santé électronique (DSE). L’interopérabilité garantira les avancées nécessaires dans la réforme des soins primaires. Nous devons utiliser les courriels cryptés et des téléphones intelligents à une époque où le concept « chacun est son propre médecin » a le vent dans les voiles. Les économies de temps et d’argent qui pourraient résulter de l’utilisation de messagerie sécuritaire ou de textos avec votre prestataire de soins assureront une responsabilisation des prestataires, permettront un accès en temps réel à des réponses simples, par exemple les résultats d’un test de grossesse, pour prévenir des complications non désirées. Dans la revue Diabetes Care de juillet 2011, les faits étaient concluants : « L’accompagnement mobile a permis de réduire considérablement l’A1C (hémoglobine glyquée) sur une année. »
À l’avenir, la profession accompagnera le patient qui conservera les lectures de sa tension artérielle réalisées à la maison dans son téléphone portable, et qui pourra en discuter avec son pharmacien ou une infirmière avant de voir son médecin de famille pour une intervention médicamenteuse mieux ciblée.
Pourquoi ne pas renseigner le patient sur les risques cardiaques, ou une patiente à risque élevé d’ostéoporose sur l’application gratuite Outil de prédiction du risque de fracture sur 10 ans d’Ostéoporose Canada pour les iPhones?
Certaines de ces questions sont prises en charge par la Télémédecine, qui a transformé les soins pour le cancer et les soins psychiatriques, et réduit les déplacements et les risques associés aux insuffisances de services.
L’occasion de mettre en valeur le temps épargné en suscitant la participation de la personne est maintenant arrivée.
• L’Association canadienne de protection médicale a fortement conseillé l’encodage des données échangées par voie électronique entre le patient et les fournisseurs dans le cercle de soins.
• Grâce aux codes électroniques, la nécessité de consulter électroniquement est reconnue et cela incitera la profession à essayer les nouvelles technologies mobiles : résultats de laboratoire en pièces jointes, images diagnostiques, photos d’éruptions cutanées pour demander au dermatologue de poser un diagnostic.
• Les dossiers médicaux électroniques permettent d’accéder aux dossiers de patients et de les partager en utilisant les DSE par Internet, ou de les télécharger dans presque tous les téléphones intelligents ou appareils mobiles.
• Nous pouvons connecter tous les prestataires de soins qui travaillent ensemble et d’autres professionnels au sein du cercle de soins et faciliter une gestion efficace de problèmes de santé au sein de la population, par exemple pour le dépistage de la chlamydia ou du cancer.
• Les coûts sont partagés avec le consommateur engagé dans le processus, qui est désormais motivé à éviter les visites inutiles aux urgences et aux cliniques sans rendez-vous.
L’avenir s’annonce vraiment stimulant!
Le Rapport de progrès 2013 : renouvellement des soins de santé au Canada du Conseil canadien de la santé est un rapport impressionnant, qui capte bien l’essence de notre situation actuelle et de ce vers quoi nous devons aller. Il y a tout lieu de croire qu’il nous faudra procéder à un changement radical en matière de politique et de leadership pour apporter les améliorations nécessaires à la prestation de soins, sans pour autant devoir procéder à des investissements supplémentaires considérables.
Malgré l’engagement manifesté à plusieurs niveaux, l’accès aux soins de santé est assuré principalement à l’échelle locale et l’accès à un prestataire de soins primaires ou à une équipe de soins demeure variable et manque d’efficacité sur le plan économique.
Theodor Marmor, professeur en politiques publiques et en gestion à l’Université Yale, est d’avis que la réforme des soins de santé ne sera possible que lorsque les gouvernements feront face à de graves déficits sur le plan fiscal.
Nous devons tirer parti des réformes des technologies de l’information à faible coût qui gèrent des rendements élevés sur les investissements et qui permettent aux patients de participer pleinement à la gestion de leur propre santé. Le moment est venu de se rallier aux médecins qui, dans une proportion de 57 %, utilisent le dossier de santé électronique (DSE). L’interopérabilité garantira les avancées nécessaires dans la réforme des soins primaires. Nous devons utiliser les courriels cryptés et des téléphones intelligents à une époque où le concept « chacun est son propre médecin » a le vent dans les voiles. Les économies de temps et d’argent qui pourraient résulter de l’utilisation de messagerie sécuritaire ou de textos avec votre prestataire de soins assureront une responsabilisation des prestataires, permettront un accès en temps réel à des réponses simples, par exemple les résultats d’un test de grossesse, pour prévenir des complications non désirées. Dans la revue Diabetes Care de juillet 2011, les faits étaient concluants : « L’accompagnement mobile a permis de réduire considérablement l’A1C (hémoglobine glyquée) sur une année. »
À l’avenir, la profession accompagnera le patient qui conservera les lectures de sa tension artérielle réalisées à la maison dans son téléphone portable, et qui pourra en discuter avec son pharmacien ou une infirmière avant de voir son médecin de famille pour une intervention médicamenteuse mieux ciblée.
Pourquoi ne pas renseigner le patient sur les risques cardiaques, ou une patiente à risque élevé d’ostéoporose sur l’application gratuite Outil de prédiction du risque de fracture sur 10 ans d’Ostéoporose Canada pour les iPhones?
Certaines de ces questions sont prises en charge par la Télémédecine, qui a transformé les soins pour le cancer et les soins psychiatriques, et réduit les déplacements et les risques associés aux insuffisances de services.
L’occasion de mettre en valeur le temps épargné en suscitant la participation de la personne est maintenant arrivée.
• L’Association canadienne de protection médicale a fortement conseillé l’encodage des données échangées par voie électronique entre le patient et les fournisseurs dans le cercle de soins.
• Grâce aux codes électroniques, la nécessité de consulter électroniquement est reconnue et cela incitera la profession à essayer les nouvelles technologies mobiles : résultats de laboratoire en pièces jointes, images diagnostiques, photos d’éruptions cutanées pour demander au dermatologue de poser un diagnostic.
• Les dossiers médicaux électroniques permettent d’accéder aux dossiers de patients et de les partager en utilisant les DSE par Internet, ou de les télécharger dans presque tous les téléphones intelligents ou appareils mobiles.
• Nous pouvons connecter tous les prestataires de soins qui travaillent ensemble et d’autres professionnels au sein du cercle de soins et faciliter une gestion efficace de problèmes de santé au sein de la population, par exemple pour le dépistage de la chlamydia ou du cancer.
• Les coûts sont partagés avec le consommateur engagé dans le processus, qui est désormais motivé à éviter les visites inutiles aux urgences et aux cliniques sans rendez-vous.
L’avenir s’annonce vraiment stimulant!
24 mai 2013
Prix des médicaments à l’échelle pancanadienne : poursuivre sur notre lancée
Dr Michael Law est professeur adjoint au Centre for Health Services and Policy Research de la School of Population and Public Health à l’Université de la Colombie-Britanniqu.
Je ne peux m’empêcher d’être étonné par les progrès relatifs accomplis dans deux importants dossiers en matière de politique sur les médicaments, dossiers qui faisaient partie des engagements de l’Accord de 2003 sur la santé.
Pensons tout d’abord au travail réalisé pour harmoniser l’évaluation des médicaments. Depuis 2003, le Programme commun d’évaluation des médicaments (PCEM) a formulé 236 recommandations sur les nouveaux médicaments et a procédé à des examens de médicaments qui sont largement utilisés dans les régimes provinciaux d’assurance-médicaments. Le concept d’une évaluation commune des faits probants sur les nouveaux médicaments au Canada suit son chemin et est déjà bien amorcé.
En revanche, on a toutefois peu progressé vers un engagement sur l’accord de collaboration pour les prix des médicaments. Du côté des médicaments de marque, il est devenu de plus en plus courant pour les pays de négocier des ententes confidentielles avec les compagnies pharmaceutiques grâce à ce qu’il est convenu d’appeler des « ententes relatives à l’inscription de produits » (EIP). Ces ententes consentent des réductions confidentielles aux régimes d’assurance-médicaments en échange d’une couverture des produits correspondants par ces régimes, particulièrement dans le système qui prévaut chez nous, dans lequel les provinces sont liguées les unes contre les autres.
Du côté des médicaments génériques, pendant que les autres pays incitent les fabricants à se livrer une concurrence féroce pour obtenir les plus bas prix, nous continuons de nous cantonner à notre vieille formule qui consiste à fixer le prix des génériques sous forme de pourcentage arbitraire de celui de leur équivalent de marque. Bref, je crois que nous avons besoin de travailler ensemble, à l’échelle pancanadienne, sur le prix des produits pharmaceutiques.
Après plusieurs années sans aucun fait nouveau, on a commencé récemment à observer certains changements. Ces initiatives ont été lancées par les provinces à titre individuel, puis élargies à l’échelle nationale grâce au Conseil de la fédération. Tout d’abord, en 2010, les premiers ministres ont convenu de travailler ensemble à obtenir de meilleurs prix sur les médicaments de marque; puis, en 2012, ils ont décidé de travailler du côté des génériques en mettant en place un mécanisme pour l’achat en commun de médicaments génériques.
Si on considère l’engagement pour des travaux à l’échelle pancanadienne formulé en 2003, force est de reconnaître que les progrès à ce jour sont modestes : des stratégies d’achat en commun sont en place pour sept médicaments de marque et pour six médicaments génériques. Lorsqu’on songe que des millions de Canadiens utilisent des milliers de médicaments d’ordonnance différents, il est tout à fait clair que de nombreuses possibilités d’initiatives axées sur la collaboration s’offrent à nous.
Je crois qu’il est important, à ce stade, de se demander comment tirer parti de ces initiatives et poursuivre sur cette lancée. Comme le soulignait le Conseil dans son rapport sur la Stratégie nationale en matière de produits pharmaceutiques, les priorités changent avec les gouvernements, ce qui fait en sorte que des initiatives stratégiques valables sont souvent laissées en plan. Nous avons déjà commencé à le constater, dans une certaine mesure, lorsque le Québec a décidé de cesser de participer à ces nouvelles initiatives.
Il est important de nous assurer que nous maintenons cet élan, puisque des obstacles considérables persistent dans les négociations communes pour les médicaments de marque et que les Canadiens continuent de payer pour des génériques dans le cadre d’un mécanisme de fixation des prix désuet. En suivant l’exemple du Programme commun d’évaluation des médicaments, il est peut-être temps pour nous d’officialiser ces initiatives d’achat en commun par l’intermédiaire d’un organisme de gouvernance structuré qui mettrait à profit et serait le prolongement de ces récentes réussites. Un organisme permanent aiderait à trouver des solutions à ces problèmes sérieux et permettrait de donner une nouvelle impulsion à l’élan qu’a permis de susciter l’initiative pancanadienne de fixation des prix des médicaments d’ordonnance.
Je ne peux m’empêcher d’être étonné par les progrès relatifs accomplis dans deux importants dossiers en matière de politique sur les médicaments, dossiers qui faisaient partie des engagements de l’Accord de 2003 sur la santé.
Pensons tout d’abord au travail réalisé pour harmoniser l’évaluation des médicaments. Depuis 2003, le Programme commun d’évaluation des médicaments (PCEM) a formulé 236 recommandations sur les nouveaux médicaments et a procédé à des examens de médicaments qui sont largement utilisés dans les régimes provinciaux d’assurance-médicaments. Le concept d’une évaluation commune des faits probants sur les nouveaux médicaments au Canada suit son chemin et est déjà bien amorcé.
En revanche, on a toutefois peu progressé vers un engagement sur l’accord de collaboration pour les prix des médicaments. Du côté des médicaments de marque, il est devenu de plus en plus courant pour les pays de négocier des ententes confidentielles avec les compagnies pharmaceutiques grâce à ce qu’il est convenu d’appeler des « ententes relatives à l’inscription de produits » (EIP). Ces ententes consentent des réductions confidentielles aux régimes d’assurance-médicaments en échange d’une couverture des produits correspondants par ces régimes, particulièrement dans le système qui prévaut chez nous, dans lequel les provinces sont liguées les unes contre les autres.
Du côté des médicaments génériques, pendant que les autres pays incitent les fabricants à se livrer une concurrence féroce pour obtenir les plus bas prix, nous continuons de nous cantonner à notre vieille formule qui consiste à fixer le prix des génériques sous forme de pourcentage arbitraire de celui de leur équivalent de marque. Bref, je crois que nous avons besoin de travailler ensemble, à l’échelle pancanadienne, sur le prix des produits pharmaceutiques.
Après plusieurs années sans aucun fait nouveau, on a commencé récemment à observer certains changements. Ces initiatives ont été lancées par les provinces à titre individuel, puis élargies à l’échelle nationale grâce au Conseil de la fédération. Tout d’abord, en 2010, les premiers ministres ont convenu de travailler ensemble à obtenir de meilleurs prix sur les médicaments de marque; puis, en 2012, ils ont décidé de travailler du côté des génériques en mettant en place un mécanisme pour l’achat en commun de médicaments génériques.
Si on considère l’engagement pour des travaux à l’échelle pancanadienne formulé en 2003, force est de reconnaître que les progrès à ce jour sont modestes : des stratégies d’achat en commun sont en place pour sept médicaments de marque et pour six médicaments génériques. Lorsqu’on songe que des millions de Canadiens utilisent des milliers de médicaments d’ordonnance différents, il est tout à fait clair que de nombreuses possibilités d’initiatives axées sur la collaboration s’offrent à nous.
Je crois qu’il est important, à ce stade, de se demander comment tirer parti de ces initiatives et poursuivre sur cette lancée. Comme le soulignait le Conseil dans son rapport sur la Stratégie nationale en matière de produits pharmaceutiques, les priorités changent avec les gouvernements, ce qui fait en sorte que des initiatives stratégiques valables sont souvent laissées en plan. Nous avons déjà commencé à le constater, dans une certaine mesure, lorsque le Québec a décidé de cesser de participer à ces nouvelles initiatives.
Il est important de nous assurer que nous maintenons cet élan, puisque des obstacles considérables persistent dans les négociations communes pour les médicaments de marque et que les Canadiens continuent de payer pour des génériques dans le cadre d’un mécanisme de fixation des prix désuet. En suivant l’exemple du Programme commun d’évaluation des médicaments, il est peut-être temps pour nous d’officialiser ces initiatives d’achat en commun par l’intermédiaire d’un organisme de gouvernance structuré qui mettrait à profit et serait le prolongement de ces récentes réussites. Un organisme permanent aiderait à trouver des solutions à ces problèmes sérieux et permettrait de donner une nouvelle impulsion à l’élan qu’a permis de susciter l’initiative pancanadienne de fixation des prix des médicaments d’ordonnance.
23 mai 2013
Attendre encore… après toutes ces années
Dr Chris Simpson est président désigné de l’Association médicale canadienne, chef de la cardiologie à l’Université Queen’s et président de l’Alliance sur les temps d’attente.
Je m’attendais à ce qu’il souhaite discuter des soins que sa femme avait reçus; à ce qu’il veuille peut-être essayer de comprendre pourquoi elle était morte et si certaines choses auraient pu être faites de manière différente. J’avais relu son dossier attentivement afin d’être certain d’avoir en main toutes les données nécessaires pour discuter de son cas avec monsieur B., de manière rationnelle et productive.
Le moment venu, monsieur B. ne voulait parler de rien de tout cela. Il m’a surtout parlé du parcours qu’avait dû franchir son épouse pour arriver à la chirurgie. Il m’en a fait le récit de manière chronologique. Elle s’est rendue à une série de rencontres, pour lesquelles elle a dû attendre chaque fois. Elle a aussi attendu aux urgences. Elle a attendu pour subir des tests. Elle a attendu pour des consultations, attendu des décisions et attendu pour sa chirurgie.
« Tous les médecins et tous les membres du personnel ont été fantastiques », ne cessait-il de me dire, comme s’il souhaitait protéger des critiques ceux d’entre nous qui avaient travaillé en première ligne. « Mais le système l’a laissé tomber. »
Il m’a ensuite raconté comment toutes les heures et tous les jours d’attente qui avaient jalonné son parcours dans le système de santé avaient transformé cet homme réfléchi, autonome et équilibré ainsi que sa conjointe en personnes craintives, vulnérables, déconnectées, anxieuses, démoralisées et minées par l’incertitude.
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Les Canadiens sont conscients que lorsqu’ils ont besoin de soins non urgents, ils doivent habituellement attendre. Lorsque ces périodes d’attente sont suffisamment courtes et que les patients sentent qu’ils ont une emprise sur la situation et sont en contrôle, ils se sentent confiants et satisfaits. Mais lorsque l’attente est trop longue et lorsque les personnes sentent qu’elles sont tombées dans « une zone grise » entre les diverses rencontres, les patients et leurs familles vivent de l’anxiété, un fardeau économique supplémentaire, de la douleur et de la souffrance inutiles, et subissent peut-être même des événements indésirables graves, y compris le décès. Il faut aussi tenir compte des coûts sociétaux liés aux attentes trop longues. L’Association médicale canadienne a estimé que les temps d’attente qui dépassent les paramètres acceptables sur le plan médical pour quatre interventions parmi les plus courantes engendrent pour l’économie canadienne des coûts de 14,8 milliards de dollars pour une seule année. (www.cma.ca/multimedia/CMA/Content_Images/Inside_cma/Media_Release/pdf/2008/EconomicReport.pdf).
Quand je pense aux 10 années ou presque qui se sont écoulées depuis la signature de l’Accord de 2004 sur la santé par le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires, j’ai bien peu de raisons de me réjouir. Malgré toute la bonne volonté du monde, le travail acharné et la coopération, malgré tout l’argent investi pour réduire les temps d’attente et les pressions soutenues du public pour les améliorer, nous n’avons pu constater que de modestes progrès. Depuis un ou deux ans, à mon grand découragement, on assiste à l’anéantissement des modestes progrès accomplis. L’ICIS (www.cihi.ca/cihi-ext-portal/pdf/internet/HCIC2012_SUMMARY_FR), le Conseil canadien de la santé et l’Alliance sur les temps d’attente (http://www.waittimealliance.ca/french/index.htm) s’accordent pour dire que les temps d’attente ont de nouveau empiré. Grosso modo, nous reculons et sommes en train de retourner à notre point de départ.
Comment se peut-il que tout ce travail et toutes ces ressources n’aient pas débouché sur des améliorations soutenues en ce qui a trait au temps d’attente?
Les raisons de cet échec sont nombreuses, mais elles conduisent toutes invariablement à une seule et même indiscutable réalité : l’argent investi n’a pas réussi à acheter le changement. Nous sommes uniquement parvenus à rendre les chiffres plus attrayants sur une courte période de temps. Notre « réussite » a été éphémère. Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, sciences et technologie, dans son examen des progrès réalisés depuis l’Accord de 2004 (http://www.parl.gc.ca/Content/SEN/Committee/411/soci/rep/rep07mar12-f.pdf) fait état de ce même sentiment, et il recommande que les investissements soient absolument utilisés pour générer le changement et non pour maintenir le statu quo.
À quoi pourrait ressembler le changement réel, gage d’une vraie transformation?
Eh bien, il pourrait commencer par l’assemblage d’informations claires et actuelles sur les résultats et le rendement, d’instruments pour le mesurer, et par la création d’un organisme national qui disposerait des moyens et de pouvoirs pour recueillir, analyser et présenter ces données. On ne peut pas changer ce qu’on ne peut pas mesurer.
De tels changements donneraient aussi lieu à plus de reddition de comptes pour la mise en place des changements pour lesquels les investissements auraient été consentis. Nous ne changerons rien si les bailleurs de fonds ne nous tiennent pas responsables de la mise en place des changements que les ressources fournies visaient à engendrer.
Les changements transformationnels se traduisent par beaucoup moins d’effet de silo au sein du système. On dit souvent que nous sommes une nation de projets pilotes quand il est question de santé. Nos silos culturels et de gouvernance entravent le partage de nos réussites et de nos pratiques exemplaires. Nous « réinventons la roue » éternellement parce que nous avons réduit la perspective, les normes et les objectifs nationaux.
Enfin, les changements transformationnels signifient que tous les intervenants du système doivent se lever et retrousser leurs manches. Les groupes de médecins et les organismes d’autres professionnels de la santé doivent continuer de faire pression pour les patients individuels, mais ils doivent aussi adhérer à notre professionnalisme « civique » – afin d’aider notre système à en avoir plus pour l’argent investi et de stimuler notre responsabilité collective pour trouver la voie vers la viabilité.
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Si je remets mon chapeau de médecin, je vois tout cela comme une avenue pour modifier fondamentalement notre approche de la prestation de soins, afin qu’elle passe des soins centrés sur le prestataire à des soins centrés sur le patient. Monsieur et madame B. souhaitaient qu’on les accompagne dans leur parcours. Mais au lieu de cela, nous les avons invités à se joindre à notre parcours à nous.
Monsieur et madame B. ont reconnu l’excellence qui caractérise chacun des silos, mais ils se sont sentis abandonnés aux points de transition qui ont marqué leur parcours. Ces points de transition entre chaque composante sont les temps d’attente; c’est dans ces goulots d’étranglement que se forment les perceptions négatives, les inégalités et les résultats en deçà des attentes. C’est aussi là que l’inefficacité et le gaspillage trouvent leur source.
Monsieur et madame B. méritaient mieux. Tous les Canadiens méritent mieux. Et nous pouvons faire mieux. Ensemble, nous pouvons construire un système de santé qui méritera réellement la confiance des Canadiens.
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