Linda Silas est présidente de la Fédération canadienne des syndicats d’infirmières et d’infirmiers.
En tant qu’infirmière qui exerce depuis de nombreuses années et qui a maintenant l’honneur de faire partie de nombreuses tables de concertation politique, je suis convaincue que, quand d’autres liront cet excellent rapport du Conseil canadien de la santé (CCS), ils se poseront tout comme moi cette question : « N’avons-nous rien appris durant les une ou deux dernières décennies? ». Le rapport du CCS, Meilleure santé, meilleurs soins, meilleure valeur pour tous, reste positif tout en soulignant dix années de résultats décevants. Malgré les nombreuses recommandations qui n’ont pas été mises en œuvre, le Conseil canadien de la santé nous incite dans son rapport final à trouver une vision explicite de ce que nous voulons accomplir.
Il nous rappelle que l’objectif récent de qualité, sécurité et efficacité du système de santé remonte aux rapports Kirby et Romanow ainsi qu’aux promesses de l’Accord sur la santé de 2003. Cependant, le Conseil canadien de la santé omet poliment de montrer que tout ceci n’est qu’une question de politiques, ou plutôt une question de politiciens, devrais-je dire. Alors que les preuves et les recommandations sont nombreuses, réfléchies et réalisables, ces documents publiés avec des fonds publics sont oubliés sur les tablettes parce qu’ils ne cadrent pas avec le programme politique du jour.
Les Canadiens veulent que le système de santé soit une priorité. Nous savons que nous pourrions faire certaines choses pour apporter des améliorations, mais dès que les votes sont dépouillés, les promesses sont vite oubliées. Rejeter le partage original des coûts qui était de 50 %-50 %, pour que la part du gouvernement fédéral ne soit plus que de 11 % ou 12 % en 2016, transmet un message clairement négatif. Fondamentalement, le gouvernement fédéral dit aux provinces : « C’est à vous de régler ce problème. » Malheureusement, ce sont les Canadiens qui en souffrent, car la réponse de la plupart des provinces et territoires n’est guère impressionnante, leur choix étant d’en revenir à une situation similaire à celle du début des années 1990.
Les Canadiens doivent s’exprimer, faute de quoi nous perdrons l’universalité du système de santé. Nous devons contrôler les pertes, mettre fin aux examens inutiles et limiter le coût des médicaments d’ordonnance. Nous devons trouver une autre solution que le cycle d’expansion-ralentissement en matière de planification et nous devons gérer nos ressources humaines de manière plus globale.
La Commission d’experts de l’Association des infirmières et infirmiers du Canada nous a rappelé ceci en juin 2011 : « Par-dessus tout, ne pas nuire. Des soins et des services de santé sûrs et de haute qualité devraient être un objectif national. »
Les commissaires ont aussi déclaré que les infirmières et infirmiers constituent un chaînon clé de la sécurité et doivent jouer un rôle de leaders pour instaurer et préserver un engagement national complet envers la sécurité et la qualité des soins et des services de santé.
Dans un récent document de recherche de la Dre Lois Berry, mon organisation – l’Association des infirmières et infirmiers du Canada – a souligné le lien entre la qualité des soins et la dotation en personnel :
« Les infirmières et infirmiers constituent le plus grand groupe professionnel du système de santé. Ils sont très instruits, hautement qualifiés, bien considérés par les patients et les familles dont ils s’occupent. Pourtant, ils continuent d’exercer dans des systèmes qui ne font pas appel à leurs connaissances expertes pour prendre des décisions sur les soins aux patients, ou sur la manière dont le personnel infirmier devrait être affecté à ces soins. Le système manque de maniabilité pour adapter les heures disponibles de soins infirmiers en fonction de la gravité de l’état de santé des patients. Il manque aussi d’une volonté politique pour créer des systèmes qui reconnaissent que la concordance entre la dotation en personnel infirmier et les besoins des patients permet de sauver des vies. »
Les infirmières et infirmiers dispensent plus de soins que tout autre groupe du système de santé. Les politiciens feraient bien d’écouter les voix expertes de ceux qui travaillent en première ligne et de cesser d’ignorer les recommandations fondées sur des preuves, pour lesquelles nous payons tous. La perte du Conseil canadien de la santé se fera ressentir longtemps à l’avenir. Faute d’une volonté politique pour mettre en œuvre des recommandations positives, rien ne pourra changer.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire