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31 mai 2011

Les progrès des soins de santé au Canada dépendent de l’intégration de la santé électronique (télésanté)

Notre blogueur invité, Dean Giustini, M. Bibl., M. Ed., est bibliothécaire de l’annexe de la bibliothèque biomédicale de l’Université de Colombie-Britannique à l’Hôpital général de Vancouver, une bibliothèque associée à l’un des plus importants programmes de médecine du Canada. Il enseigne la bibliothéconomie de la santé et les médias sociaux à l’École de bibliothéconomie, d’archivistique et des sciences de l’information. Il tient un blogue, le Search Principle blog.


Introduction
Le Rapport de progrès 2011 : Renouvellement des soins de santé au Canada, du Conseil canadien de la santé, est un examen d’ensemble du système canadien des soins de santé aux échelons fédéral, provincial et territorial dans cinq secteurs :
1.      Temps d’attente pour interventions chirurgicales et (certains) services médicaux
2.      Services téléphoniques de conseils de santé
3.      Dossiers de santé électroniques
4.      Coûts et couverture des produits pharmaceutiques
5.      Innovation en santé — les moyens novateurs mis en place pour relever des défis persistants  qui contribueront à la viabilité du système de santé publique au Canada

Récemment, le Conseil de la santé a fait rapport des progrès du Canada en matière de temps d’attente, de soins primaires, de dossiers de santé électroniques, de couverture des médicaments et de coûts des médicaments génériques, et il a exprimé un certain optimisme à l’égard de notre « capacité [collective] de recueillir, interpréter et utiliser les données sur la santé pour améliorer la prestation des services et la sécurité des patients ». Toutes ces questions intéressent les Canadiens. Mais en ma capacité de bibliothécaire médical dans l’un des plus grands hôpitaux de soins tertiaires du Canada, j’aimerais me concentrer sur l’importance des dossiers de santé électroniques (DSE) pour l’avenir de notre système de soins de santé ainsi que sur l’importance d’associer aux DES une information médicale fondée sur des données scientifiques.

Les données scientifiques sont essentielles aux soins de santé
Comme bibliothécaire médical de l’UBC, je vois directement les effets réels sur les soins aux patients d’une information médicale fondée sur les preuves. En première ligne de la médecine hospitalière, les dossiers de santé électroniques (DSE) sont simplement un élément permettant d’améliorer notre capacité de recueillir, d’analyser et d’utiliser l’information à l’ère numérique. Sur un plan purement pratique, l’accès en ligne des dossiers est une question d’efficacité dans le suivi des patients lors de leurs déplacements entre les services diagnostiques, les services pharmaceutiques et les soins primaires.

Les bibliothécaires de la santé doivent faire partie de tout système intégré de dossiers de santé. Car, si offrir l’accès en ligne aux dossiers des patients est important, un système de DSE est également indispensable au Canada à une pratique médicale fondée sur les données. Le Conseil de la santé et l’Inforoute Santé Canada devraient réfléchir à ce que l’expertise des bibliothécaires médicaux peut faire pour assurer qu’ici les meilleures données médicales sont directement intégrées dans les DSE. Il ne faut pas s’étonner que ce soit l’un des objectifs de la Canadian Virtual Health Library / Bibliothèque virtuelle canadienne de la santé. Tous les membres de l’équipe des soins de santé (oui, y compris les bibliothécaires) doivent collaborer pour assurer la communication de l’information et des connaissances spécialisées.  

Dépenses en soins de santé au Canada
Selon le Conseil de la santé, les dépenses en soins de santé ont atteint un sommet de 192 milliards de dollars en 2010. Les coûts des soins de santé correspondent maintenant à 11,9 % de notre produit intérieur brut (PIB). Curieusement, alors que les coûts augmentent, un problème dont j’entends souvent parler à l’Hôpital général de Vancouver, c’est que les ressources hospitalières ne sont pas toujours affectées là où l’on en a le plus besoin. Ceci découle partiellement d’un manque d’intégration des données des patients. Il y a 10 ans, la commission Kirby avait indiqué qu’il était impossible d’effectuer une analyse coût-avantage, puisque la plupart des institutions n’avaient pas la capacité de recueillir, d’enregistrer et de gérer les données de santé. Cela a conduit à la création de l’Inforoute Santé Canada qui, depuis 2001, a fait des progrès considérables dans la diminution des effets indésirables, la réduction des coûts et l’amélioration du suivi des médicaments. Mais une intégration plus globale des DES permettrait des économies encore plus substantielles.

Résultats de santé et efficacité
Notre incapacité à mesurer l’efficacité (ou l’inefficacité) des soins de santé au Canada est un problème. La collaboration entre les partenaires provinciaux et territoriaux dans le cadre du contrôle des activités et du suivi des résultats de santé n’est pas suffisamment développée. Selon un sondage effectué en 2010 par l’Association médicale canadienne, 80 % des Canadiens s’inquiètent de la surcharge que nos problèmes occasionnent au système. Cependant, même s’il ne s’agit pas d’une panacée, les DES offrent aux médecins et aux infirmières de nouvelles façons de superviser et de gérer les ressources disponibles. Sans un suivi adéquat des services reçus dans les cabinets de médecins et les hôpitaux, nous ne pouvons pas essayer de résoudre d’une manière satisfaisante les iniquités et les inefficacités. Automatiser les dossiers des patients et les nombreuses sources de données médicales, c’est ouvrir une porte indispensable sur l’avenir.

Dépenses pharmaceutiques
Au Canada, le secteur de la santé où l’augmentation des coûts est la plus rapide est celui des médicaments. L’Institut canadien d’information sur la santé communique qu’au Canada, entre 1985 et 2005, la part des médicaments dans l’ensemble des dépenses de santé est passée de 9,5 % à 16,5 %. En fait, la facture des produits pharmaceutiques s’établit maintenant à 30 milliards de dollars par an; les Canadiens paient 40 % de plus pour leurs médicaments que les citoyens de n’importe quel autre pays du G8. Si nous adoptions un système national d’assurance-médicaments, nous économiserions annuellement 10 milliards de dollars. Ceci permettrait d’améliorer le suivi des médicaments, la couverture d’assurance et les coûts associés aux soins des patients. De plus, on pourrait surveiller plus étroitement l’évolution des médicaments et éviter les ordonnances inutiles. Durant les cinq dernières années, plus de 900 nouveaux médicaments ont été approuvés au Canada et très peu d’entre eux font l’objet d’une surveillance systématique. En fin de compte, les Canadiens consomment de plus en plus de médicaments et il n’existe aucune preuve que leur santé s’est améliorée.

Déterminants sociaux de la santé
Dans son Rapport de progrès 2011, le Conseil de la santé attire l’attention sur certains problèmes touchant les pauvres et les personnes socialement défavorisées. Dans une perspective d’avenir, nous devrons nous attaquer aux facteurs socioéconomiques si nous voulons améliorer la santé de tous les Canadiens. Ceci est particulièrement vital dans le cas des Canadiens vivant au seuil de la pauvreté ou en deçà. La recherche montre que les déterminants sociaux comme l’emploi, le milieu de vie et de travail et les relations sociales ont un effet important sur la santé et le mieux-être. Malheureusement, les Canadiens ayant un faible revenu ont un risque plus élevé de souffrir d’affections chroniques comme l’arthrite, le diabète et les maladies du cœur, ou de présenter des invalidités ou des problèmes de santé mentale. Assez naturellement, les Canadiens qui ont un faible revenu sont deux fois plus portés à utiliser les services de santé que ceux dont le revenu est plus élevé.

Au Canada, la promotion de la santé est une responsabilité collective et ce devrait être l’élément fondamental qui nous permettrait d’avancer. Les gouvernements doivent adopter de meilleures stratégies de réduction de la pauvreté et privilégier les programmes conçus pour aider les pauvres, les sous-employés et les défavorisés. Avec les prestateurs de la santé, il faudrait que les Canadiens aient aussi accès à une information fondée sur des données probantes, la plus fiable qui soit – dans mon optique de bibliothécaire médical, je considère cela comme un point absolument essentiel de notre prise en charge de l’avenir de notre système de soins de santé (et de notre mieux-être).

Références
Institut canadien d’information sur la santé. Dépenses en médicaments au Canada, de 1985 à 2009. Ottawa, 2009. http://secure.cihi.ca/cihiweb/products/dex_1985_to_2009_f.pdf
Association médicale canadienne (AMC). La transformation des soins de santé au Canada : Des changements réels. Des soins durables
Association médicale canadienne (AMC). National Health Goals for Canada: A Review of Successes, Challenges and Opportunities for the Canadian Medical Association. Ottawa, 2010.
Finances Québec. Vers un système de santé plus performant et mieux financé
Mendelson Rachel. The Worst Run Industry in Canada: Health Care. Canadian Business. 8 avril 2011. http://www.canadianbusiness.com/article/11248--the-worst-run-industry-in-canada-health-care

Renouvellement collaboratif

Judith Shamian est présidente et directrice générale de la Victorian Order of Nurses (VON) et présidente de l’Association des infirmières et infirmiers du Canada (AIIC). De plus, madame Shamian est professeure à la faculté des sciences infirmières Lawrence S. Bloomberg de l’Université de Toronto, cochercheuse à la Nursing Health Services Research Unit. Elle fut directrice exécutive du Bureau de la politique des soins infirmiers de Santé Canada pendant cinq ans.

Le dernier rapport d’étape du Conseil canadien de la santé sur le renouvellement des soins de santé au Canada (Rapport de progrès 2011 : Renouvellement des soins de santé au Canada) est un excellent outil qui démontre ce qu’on devrait tous savoir. Il est important de connaître la réponse afin de déployer les innovations fonctionnelles plus rapidement possible aux autres juridictions.


Le rapport donne également des aperçus valables sur les défis communs à toutes les régions. Les infirmières et infirmiers autorisés du Canada sont d’avis que les problèmes que l’on partage seront mieux résolus avec un plan d’ensemble soutenu à l’aide d’une grande collaboration des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux.

Le rapport révèle que même quand les provinces et les territoires poursuivent des objectifs généraux similaires, chacun fonctionne indépendamment des autres. C’est un symptôme significatif de la nature fragmentée du système de santé canadien. Les améliorations apportées à l’ensemble du pays pourraient influencer la valeur de l’innovation en soins de santé plus efficacement que des approches territoriales ou locales. Les négociations à venir sur le nouvel accord sur la santé fédéral, provincial et territorial représentent une occasion déterminante d’engager les Canadiens et toute la communauté de professionnels de la santé envers le renouvellement de notre système de santé.

Prenons l’exemple de l’adoption du dossier de santé électronique sur lequel le rapport indique un progrès continu, mais inégal à travers le pays. Comment se fait-il que le Canada, un chef de file en technologie de l’information, utilise toujours des dossiers patients papier et plusieurs systèmes d’information électronique autonomes non compatibles? Il n’est pas difficile d’imaginer les gains possibles si le client pouvait passer du bureau de son médecin de famille à l’hôpital et ensuite au centre de réadaptation quand les fournisseurs de soins ont accès aux mêmes données essentielles que sont les antécédents médicaux. Ceci signifie qu’il ne sera plus nécessaire de se rappeler tous les détails et de les répéter à chaque intervenant. Les fournisseurs de soins de santé auraient accès à des renseignements pertinents, par exemple, los allergies, la dernière vaccination contre le tétanos et quels médicaments ont été prescrits. Ce dernier élément contribue grandement à la sécurité du patient.

Ceci est juste un seul exemple des avantages qu’une approche nationale envers le renouvellement du système de santé pourrait apporter aux soins de santé dans toutes les provinces et tous les territoires.

La collaboration nationale sur le temps d’attente est un autre exemple. Quoiqu’il y ait une réduction du temps d’attente pour certaines interventions, les infirmières et infirmiers autorisés travaillent à le réduire davantage et à gérer ses effets sur les Canadiens et le système de santé pour le continuum de soin. Consulter les exemples présentés dans le récent rapport de l’Association des infirmières et infirmiers du Canada (AIIC) Les infirmières et infirmiers aux premières lignes des temps d'attente - pour aller de l'avant.

Le rapport d’étape arrive vraiment en temps opportun, puisque de nombreux groupes de professionnels de la santé dirigent des initiatives afin d’accélérer la collaboration envers le renouvellement du système de santé. De fait, dans les semaines à venir, l’AIIC mettra sur pied une commission nationale d’experts pour l’amélioration du système de santé intitulée La santé de notre nation – L’avenir de notre système de santé. Soyez à l’écoute pour de plus amples renseignements!

La perspective du patient

Joyce Resin est directrice de Community Action à ImpactBC, une organisation qui travaille avec des patients, des prestateurs et des dirigeants politiques de la Colombie-Britannique à l'amélioration de la qualité des soins de santé. Elle supervise le Patient Voices Network, un registre où sont inscrits plus de 1 000 Britanno-Colombiens qui, avec leur expérience et en faisant valoir leur opinion, ont établi un partenariat pour le changement au sein du système de soins de santé. Le Patient Voices Network est une initiative d'ImpactBC en collaboration avec Patients as Partners, du ministère de la Santé de la Colombie-Britannique.


Toute organisation devrait se mobiliser en faveur de l'amélioration continue de la qualité, mais peu d'entre elles sont passées au crible comme le secteur des soins de santé. L'évolution des caractéristiques socioéconomiques, de nouveaux résultats de recherche ainsi que la répartition des ressources ne sont que quelques-uns des facteurs qui imposent aux administrateurs et au personnel de première ligne de chercher continuellement de nouvelles façons d'accroître l'efficacité et d'améliorer les résultats. 

Heureusement, le sens de l'innovation et la volonté d'agir de ce secteur font qu'en ce moment il est particulièrement stimulant de travailler dans le domaine des soins de santé. Le changement ne se décide plus seulement en haut lieu, il est inspiré par un certain nombre de thèmes communs que je suis heureuse de retrouver dans le récent Rapport de progrès 2011 : Renouvellement des soins de santé au Canada, publié par le Conseil canadien de la santé. Le Conseil comprend visiblement que le véritable changement découle des éléments suivants :

Une approche fondée sur les preuves. Dans tous les exemples du rapport, nous percevons un souci de méthodologie, une présentation solide et méticuleuse de l'information, et l'utilisation de critères et d'objectifs clairement énoncés. Le juste chemin de l'amélioration de la qualité peut parfois sembler évident, mais il exige souvent une réflexion et une expérimentation prudentes. Ce n'est que par l'analyse et l'évaluation que nous pouvons expliciter nos objectifs et être certains de les avoir atteints.

Collaboration. Qu'il s'agisse de compiler des dossiers en ligne ou d'assembler un organisme de concertation pangouvernemental, on gagne à rassembler les gens et les ressources. Le cloisonnement fait perdre du temps et de l'argent, et l'information circule aussi vite que le changement. Si nous réorganisons nos activités et utilisons des méthodes structurées pour partager nos ressources, nous atteignons nos objectifs plus rapidement.

Utilisation de la technologie. Nous vivons à l'ère de la technologie, dans toutes les régions et quelles que soient les caractéristiques socioéconomiques. C'est un outil précieux qui favorise la collaboration et améliore l'accès à l'information, et c'est avec un vif intérêt que l'on découvre tant d'exemples de télétriage efficace, ou de gestion de dossiers et de suivi en ligne. 

L'un des thèmes les plus importants de l'amélioration des soins de santé – perçu dans tout le rapport et présent dans l'ensemble de notre pays – est l'approche centrée sur le patient. Le patient lui-même est l'expert en ce qui concerne sa propre vie, et la seule personne à expérimenter tous les aspects des soins. Placer le patient au premier plan signifie étudier attentivement des questions comme les temps d'attente et l'accès à l'information et aux ressources. Dans certains passages du rapport, il est question du « périple » du patient – une façon de poser, avec les yeux de l'usager, un regard holistique sur le système, afin de découvrir les disparités et les chevauchements dans les soins.

Se centrer sur le patient signifie aussi intégrer sa voix dans le processus de changement. À ImpactBC, par l'entremise du Patient Voices Network, nous nous efforçons de faire des patients des partenaires de l'amélioration, leur apportant les compétences dont ils ont besoin pour prendre part au changement et leur offrant des occasions de travailler avec des responsables politiques.

« Tout le monde bénéficie d'une approche centrée sur le patient », déclare Sheila Allison, qui est membre du réseau. « Les patients se font entendre, et ils participent en tant que partenaires au processus de changement. Les médecins me disent que l'opinion des patients modifie leur perspective et leur rappelle pourquoi ils sont là. Traditionnellement, les changements se font lentement et isolément, mais je crois que nous nous trouvons au cœur d'un changement de paradigme. »

Il est évident que le Conseil canadien de la santé est un acteur de ce changement – il a recruté des patients pour des consultations dans le cadre de ses rapports, et comme le montre le Rapport de progrès, il vise des compétences élevées et une grande accessibilité.

On s'émerveille de voir prendre pied partout au Canada des approches novatrices pour susciter des améliorations. Les résultats parlent d'eux-mêmes, tant du point de vue des chiffres que de celui des expériences des patients. Félicitations au Conseil canadien de la santé pour plusieurs excellentes réussites jusqu'à présent – et pour des travaux prometteurs préparant d'autres avancées.