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21 janvier 2013

Étape cruciale pour les soins primaires

Le Dr Brian Goldman est un médecin urgentiste chevronné. Il est aussi l’un des reporters médicaux les plus respectés, en tant que présentateur de « White Coat, Black Art », émission de CBC Radio One.

Quand le commissaire Roy Romanow a remis son rapport sur L’avenir des soins de santé au Canada, il a déclaré ceci à propos des soins primaires :

« Il y a une entente quasi universelle qui s’accorde pour dire que les soins de santé primaires offrent des avantages éventuels extraordinaires au système de soins de santé pour les Canadiennes et les Canadiens. »

Dire que les soins primaires sont d’une importance critique pour la santé des Canadiens n’est pas qu’une figure de style. De nombreuses études ont montré que les gens qui n’ont pas accès aux soins primaires sont plus susceptibles de souffrir de diabète, d’hypertension artérielle, de dyslipidémie et d’une foule d’autres maladies chroniques.

Mon père en donne un exemple parfait. Il est resté en bonne santé la plus grande partie de sa vie, grâce à son bon capital génétique. Au lieu de consulter un médecin de famille formé en résidence, mon père consultait un médecin généraliste vieillissant qui avait (franchement) bien dépassé la date « meilleur avant ». Bien sûr, mon père faisait un contrôle médical annuel chez son médecin. Mais j’ai l’impression que ce bon médecin se contentait d’ausculter le cœur et les poumons de mon père, s’émerveillait de sa résilience et le laissait repartir droit devant.

Quand mon père a réellement commencé à avoir besoin de soins médicaux, il était trop préoccupé par ma mère qui souffrait de la maladie d’Alzheimer. Mais tout s’est précipité il y a un peu plus de deux ans, quand il a été frappé par une pneumonie aiguë et a dû être hospitalisé.

De toute sa vie, mon père n’avait jamais mis les pieds dans un hôpital. Mais tout cela allait changer – considérablement.

« La pointe de l’iceberg » peut à peine commencer à décrire les problèmes de santé de mon père. En plus de la pneumonie, le médecin urgentiste qui l’a examiné a découvert une insuffisance cardiaque congestive. Dans les quatre heures qui ont suivi son arrivée aux urgences, les segments ST de son électrocardiogramme ont grimpé en flèche, signalant une crise cardiaque. Un angiogramme a révélé un grave problème dans trois vaisseaux coronaires, qui ne se prêtait ni à un pontage coronarien, ni à une angioplastie. Les médecins ont donc prescrit un traitement médical intensif à mon père pour ses artères bloquées et pour tous les facteurs de risque qui avaient causé le blocage.

En ce qui concerne les facteurs de risque, mon père avait le tiercé : dyslipidémie grave, hypertension mal gérée et diabète de type 2 compliqué par une maladie chronique des reins. Quand mon père est finalement sorti de l’hôpital, sa fiche de départ comprenait sept diagnostics différents. Il est rentré à la maison avec une ordonnance pour 10 médicaments et un programme complexe de contrôle et traitement.

Vous comprenez la situation. Bien que mon père ait consulté un médecin de nom, aucun facteur de risque de ces maladies chroniques graves n’avait été détecté à temps. Alors, imaginez ce que vivent les gens qui n’ont pas du tout accès aux soins primaires.

En tant que présentateur de « White Coat, Black Art », sur CBC Radio One, j’ai vu de près les conséquences de l’absence de soins primaires. À Peterborough, j’ai visité une clinique pour patients-orphelins, projet pilote conçu pour permettre aux gens qui n’ont pas vu de médecin depuis des années d’obtenir « une vérification générale » faite par une infirmière praticienne, avec des examens médicaux et un aiguillage vers des spécialistes, au besoin. Patient après patient, j’ai vu des gens dont la santé avait été incroyablement négligée. La plupart étaient comme mon père, mais plus mal en point encore. J’ai même vu un vieux monsieur dont le diagnostic a révélé un cancer des poumons qui avait probablement couvé pendant des années.

Comme Roy Romanow l’a dit dans son Rapport de la Commission, l’accès aux soins primaires est non seulement essentiel pour les patients, mais aussi pour le système. Tôt ou tard, même les patients-orphelins finiront aux urgences, avec un besoin de soins bien plus grand que s’ils avaient eu décemment accès aux soins primaires. Tout ceci est très coûteux, en fonds publics, pour vous comme pour moi.

C’est pourquoi j’ai lu avec un vif d’intérêt un nouveau rapport du Conseil canadien de la santé, Comment les médecins canadiens de soins primaires classent-ils le système de soins de santé? Ce rapport présente les résultats du Sondage international 2012 du Fonds du Commonwealth sur les politiques de santé auprès des médecins de soins primaires.

Les problèmes signalés par les médecins canadiens de soins primaires sont révélateurs. Selon ce rapport, seulement 47 % de ces médecins accordent des rendez-vous le jour même ou le lendemain, ce qui les classe au dernier rang des médecins parmi les neuf autres pays qui ont participé au sondage. Le rapport a aussi constaté que les médecins canadiens étaient les moins susceptibles de faire des visites à domicile ou de prendre des dispositions pour que leurs patients puissent éviter une visite aux urgences quand leur cabinet médical est fermé. Certes, le rapport montre que plusieurs provinces font mieux que les autres, mais le tableau général fait ressortir la médiocrité dans le domaine de l’accès aux soins.

Outre les difficultés d’accès, les autres problèmes signalés dans le rapport découlent d’un manque flagrant d’efficacité qui nuit clairement à la prestation des soins primaires. Ainsi, 38 % des médecins interrogés disent avoir souvent des difficultés à obtenir des diagnostics spécialisés pour leurs patients. Seulement 16 % des médecins de famille ont déclaré que les hôpitaux leur envoyaient les renseignements requis pour un suivi dans les 48 heures après la sortie de l’hôpital de leurs patients. Et seulement 26 % ont dit qu’ils recevaient toujours un rapport des spécialistes consultés par leurs patients.

Sur le plan de l’auto-amélioration, les résultats sont très contrastés parmi les médecins de famille. Ainsi, le rapport a conclu que l’utilisation des dossiers médicaux électroniques (DME) a doublé depuis 2006, atteignant 57 %. De plus, l’utilisation de la prescription électronique est en hausse. En revanche, il est clair que le potentiel des DME n’est pas encore complètement exploité. Selon le rapport, seulement 41 % des médecins de soins primaires peuvent aisément créer une liste de leurs patients en fonction d’un diagnostic – alors que c’est là un critère essentiel pour faire des rappels opportuns aux patients et pour procéder à des vérifications de la qualité des pratiques.

Pour moi, le plus grand problème du système de santé contemporain, c’est le manque de responsabilisation. Ce rapport montre que les soins primaires ne font pas exception. Comparativement aux autres pays, il indique que les médecins canadiens de soins primaires sont parmi les moins susceptibles de travailler dans un contexte médical qui évalue la performance clinique en fonction de critères qualitatifs.

À mon avis, avec ce rapport, il n’est plus question de simplement demander davantage de médecins, mais de se poser la question suivante : la médecine familiale et les soins primaires vont-ils dans la direction requise et voulue par les Canadiens?

Mon père n’aurait jamais pu faire face à ses problèmes de santé sans les soins et les conseils d’un médecin de famille prévoyant. Je serai éternellement reconnaissant au généraliste qui a accepté de prendre mon père comme patient. Après tout, mon père avait 89 ans et la liste de ses problèmes médicaux continus était longue comme le bras. Il aurait donc été très facile pour tout médecin de famille de le refuser. Je suis non seulement reconnaissant à son médecin d’être prévoyant, mais aussi de se montrer déterminé à utiliser les nouvelles technologies et les autres moyens d’amélioration pour faire mieux encore.

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