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30 avril 2013

Les ressources humaines en santé (RHS) au Canada – 1re partie : quels sont les avantages de la planification en matière de RHS?


John G. Abbott, chef de la direction, Conseil canadien de la santé

Le domaine des soins de santé a toujours été et sera toujours un secteur à forte densité en matière de main-d’œuvre. À l’instar de la plupart des pays développés, le Canada consacre une importante part des sommes affectées aux soins de santé pour la formation et la rémunération de ses professionnels de la santé.

L’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) a signalé qu’entre 1998 et 2008, les dépenses totales en matière de santé au sein du secteur public ont augmenté d’environ 7 % par année. Autrement dit, les dépenses publiques relatives aux soins de santé ont doublé, passant d’environ 60 à 121 milliards $ en l’espace d’une dizaine d’années. De 2008 à 2012, les dépenses publiques ont enregistré une nouvelle hausse de 20 % (à 145 milliards $).

Cette analyse a également démontré qu’une part importante de cette hausse est attribuable à l’augmentation des salaires d’une main-d’œuvre grandissante. En se basant encore sur les chiffres avancés par l’ICIC, on constate que plus de 360 000 infirmières et infirmiers réglementés ont occupé un emploi au Canada en 2011. Il s’agit d’une augmentation de plus de 8 % depuis 2007, ce qui équivaut à presque deux fois le taux de croissance de la population au Canada.

On reconnait de plus en plus qu’il serait possible d’obtenir un meilleur retour sur nos investissements en matière de ressources humaines en santé en assurant une meilleure gestion du programme de travail des professionnels de la santé, leur permettant par le fait même d’augmenter leur efficacité. Les équipes de soins de santé primaires illustrent bien ce phénomène.

Nous devons revoir notre approche et notre façon de penser pour que l’amélioration de notre système passe par nos effectifs en place, et non simplement par l’augmentation du nombre d’interventions en santé effectuées par un nombre croissant de professionnels de la santé; surtout lorsque l’on considère que cela se traduira par de meilleurs résultats en matière de santé pour la population canadienne.

Quelle est donc la situation du Canada, alors que le pays tente de se doter d’un système de santé viable et à haut rendement par l’entremise de ses effectifs?

Je vais présenter trois enjeux importants en matière de politiques qui découlent d’une incompatibilité entre nos besoins en matière de soins de santé et notre offre en professionnels de la santé. Je vais aussi aborder des solutions possibles en vue d’empêcher que cette situation ne se reproduise.

Le recours à des professionnels de la santé formés à l’étranger


Le Canada s’appuie depuis longtemps sur des médecins et des infirmières et infirmiers formés à l’étranger pour doter en personnel ses réseaux de santé, tout particulièrement dans les régions rurales et éloignées. Bien qu’il soit difficile d’obtenir des données récentes à ce sujet, il est évident que notre système de santé dépend de diplômés de l’étranger. Environ un médecin sur six ayant répondu au Sondage national des médecins 2010, a affirmé avoir complété sa formation en médecine à l’extérieur du Canada ou des É.-U. En soit, cette réalité n’a rien de mauvais. Par contre, le fait que nous dépendions de façon continue de ressortissants étrangers pour subvenir à nos besoins en dotation de personnel constitue une source de problème pour nous et pour les gouvernements de ces personnes.

Le Canada vise-t-il l’auto-suffisance de son offre en professionnels de la santé ou allons-nous poursuivre l’alimentation de notre système de recrutement à l’étranger? Si nous poursuivons ce type de recrutement, comment allons-nous affecter les diplômés de l’étranger là où l’on a le plus besoin d’eux?

La solution consiste alors à s’engager sur la voie de l’auto-suffisance. Pour permettre au Canada d’atteindre cet objectif, toutefois, les secteurs de la santé et de l’enseignement et de la formation se doivent de mettre en œuvre un plan conjoint à cet effet.

La sous-utilisation des médecins spécialistes


La deuxième problématique n’était même pas envisageable il y a à peine cinq ans : des médecins spécialistes sous-employés ou au chômage. La formation d’un médecin spécialiste engendre une affectation considérable de ressources; ce qui se traduit par un « rendement nul » si ce médecin ne peut exercer sa profession en raison d’un manque de capacité au sein du système de soins actifs ou d’autres systèmes. Dans les médias, on entend parler de jeunes chirurgiens remplis d’ardeur qui n’ont pas accès aux salles d’opération alors que des patients sont en attente de traitements.

Plusieurs intervenants réclament une meilleure planification des ressources humaines à l’échelle nationale et une meilleure diffusion de l’information aux étudiants en médecine afin de leur permettre de tracer un portrait plus précis de leurs chances d’accéder à des postes liés à des spécialités données, et dans des régions précises du pays.

La solution semble être une meilleure évaluation des besoins par province, puis la coordination et l’affectation de l’offre de médecins spécialiste pour répondre à ces besoins. Le contingentement au sein des établissements d’enseignement médical et le nombre de stages offerts aux étudiants diplômés en médecine seront revus et ajustés en conséquence.

La difficulté de recrutement de la main-d’œuvre dans le secteur des soins à domicile


Le dernier enjeu que j’aborderai est notre difficulté à offrir la prestation adéquate de soins de santé au nombre grandissant de personnes âgées du Canada. Notre dernier rapport nous permet de constater que les personnes âgées et leurs familles désirent recevoir des soins à domicile, et que la plupart des provinces canadiennes investissent dans le volet des soins à domicile de leur système de santé. Le Canada doit assurément élargir son offre de services à domicile, car il s’agit à l’heure actuelle d’une composante intégrale d’un système de santé à haut rendement. Or, la dotation en personnel en vue d’assurer la prestation de ces services s’avère un défi de taille en matière de ressources humaines. De la rémunération à l’enseignement et la formation, en passant par l’assurance de la qualité et les conditions de travail, le secteur des soins à domicile peine à se doter de suffisamment de personnel pour être en mesure de répondre adéquatement aux besoins de sa clientèle.

Les employés de soutien (c.-à-d. les agents de santé communautaires ou les assistants en soins continus) assurent la prestation de la majorité des services de soins à domicile, notamment pour les clients à long terme. Les assistants en soins continus ne sont pas réglementés, et leur niveau de formation varie selon les provinces et les territoires.

La solution consiste à designer ce secteur en tant que secteur en croissance, affecter des fonds supplémentaires pour la formation, améliorer les programmes d’amélioration de la qualité, et assurer un meilleur alignement du régime de rémunération et d’avantages sociaux afin d’accroître l’attrait de ce secteur au sein du système de la santé.

L’objectif du Canada demeure la mise en place d’un système de santé à haut rendement. Pour y parvenir, nous devons aborder de façon stratégique nos enjeux en matière de ressources humaines en santé. Cela étant dit, toute approche préconisée devra être explicite, proactive et pondérée, et devra reposer sur un ensemble commun de données factuelles.

Dans mon prochain blogue, je présenterai quelques-unes des démarches que nous devons entreprendre, en tant que pays, afin d’améliorer la gestion de nos ressources humaines en santé pour atteindre notre objectif, c’est-à-dire la mise en place du système de santé à haut rendement que veulent les Canadiennes et les Canadiens.

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